Marina Petrella : histoire d’une extradition
Le 21 août 2007, convoquée pour des formalités administratives, Marina est arrêtée au commissariat d'Argenteuil.
Dans les années 70, elle a fait partie des ces dizaines de milliers de militants en Italie dont la révolte, au fil du temps, a été jusqu'aux armes.
Depuis le début des années 80, plusieurs centaines de ces militants, poursuivis par une justice d'exception, se sont réfugiés en France où le Président de la République affirmait le « refus de toute extradition politique ». Alors que la nécessaire amnistie est encore aujourd'hui refusée par l'Italie, cette politique d'accueil a été maintenue sans interruption vingt ans durant envers les réfugiés italiens, se posant ainsi en principe de fait de la République.
En 1982, Marina est arrêtée, elle va passer 8 ans dans les prisons spéciales italiennes avant d'être libérée pour expiration des délais de détention préventive car les procès démesurés (dans ce cas : plus de 400 inculpés, 11 ans de procédure et des dizaines de condamnations à perpétuité) de cette période d'état d'urgence sont interminables.
En 1993, Marina est condamnée à perpétuité pour des faits remontant aux années 79 à 82 ; elle vient en France avec sa fille et ses avocats avertissent les autorités judiciaires de sa présence.
En 1998, elle se voit délivrer un titre de séjour de 10 ans par la Préfecture de police de Paris. Elle a une deuxième enfant.
En août 2002, la France, par un renversement brutal de sa politique, remet Paolo Persichetti, lui aussi réfugié, aux autorités italiennes. Deux ans plus tard, c'est Cesare Battisti que la France tente d'extrader.
En 2007, quelqu'un a décidé que les choix de Marina fait il y a 30 ans, cette violence qui s'est appelée révolutionnaire et que l'Etat italien a combattu en son temps (état d'urgence, justice et lois d'exception, prison spéciales, 6000 prisonniers politiques...) constitue le mal absolu, l'inconcevable traqué à travers le temps et l'espace jusqu'à rattraper à 30 ans d'intervalle une femme et sa famille un jour d'août au commissariat d'Argenteuil. Quelqu'un a décidé que tout ce qu'ils ont vécu ici depuis 15 ans n'existait pas.
Quelqu'un a décidé que la vie de Marina allait s'arrêter là. Nous ne laisserons pas faire.
Le 9 juin 2oo8, le gouvernement a fait connaître sa décision d'extrader Marina Petrella, réfugiée en France depuis 15 ans, qui doit purger en Italie une peine à perpétuité.
Le gouvernement motive sa décision en insistant sur la gravité des crimes pour lesquels Marina a été condamnée par la justice italienne.
Le gouvernement omet en revanche de préciser que cette condamnation remonte à 1993 :
Marina était déjà déclarée coupable par la justice italienne quand elle est arrivée en France.
Pourtant l'Etat français, informé de sa situation, lui a permis de s'installer ici, lui a délivré un titre de séjour, des diplômes reconnus et l'a employé dans des structures publiques... conformément à la politique d'accueil des réfugiés italiens mise en oeuvre par la France depuis le début des années 80.
Est-ce concevable qu'après 15 ans d'asile de fait, la France, d'un simple décret, balaye la vie d'une femme et de sa famille, sans aucune considération pour tout ce qu'elle a construit au cours de ces années ?
Une fois de plus, la vie d'une personne ne pèse pas bien lourd face aux exigences cyniques des Etats. Qu'il s'agisse de flatter un pays voisin en livrant des anciens militants à un Etat qui, trente ans après les faits, se montre toujours incapable de regarder en face son histoire sociale et de trouver une issue politique au conflit, ou qu'il s'agisse de faire une mascarade d'antiterrorisme pour satisfaire une opinion publique sous l'emprise du discours sécuritaire, cette extradition est totalement inacceptable. Elle ne représente que la poursuite d'une vengeance infinie prônée par le populisme pénal comme mode de gouvernance.
Déjà, les dix mois d'enfermement au cours desquels Marina s'est vu, en dépit de toute logique, refuser une mise en liberté provisoire, ont miné sa santé physique et psychique. La séparation avec ses filles - la plus jeune est âgée de 10 ans -, la cruelle réalité carcérale que connaissent les détenues de Fresnes (l'une d'entre elles, Lucilia, est morte faute de soins l'hiver dernier), ajoutées à la perspective angoissante d'une détention sans fin en Italie, l'ont amenée à un tel désespoir qu'elle a renoncé aux visites de ses proches et que ces dernières semaines, elle ne peut même plus s'alimenter normalement. Il s'agit d'une véritable "grève de la vie". L'état de dépérissement très grave qui découle de cette situation lui vaut aujourd'hui d'être hospitalisée pour la seconde fois (la première fut de 10 semaines).
Notre inquiétude pour Marina est extrême, seule notre mobilisation à tous peut la sortir de là.
Retrouvons-nous lors des rassemblements qui se tiendront tous les jeudis du mois de juin pour exiger l'application immédiate de la clause humanitaire prévue dans les textes régissant l'extradition ainsi que l'abrogation du décret.
source : ce texte est extrait du site « parole donnée.info »